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Théories des Limbes
De Le Maître Sain — 6 janvier 2022 à 02h12
Les carnets d’Anton
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1) Platon et sa Caverne

L’allégorie de la caverne de Platon, dans « La République », tente d’imaginer les conditions d'accession de l'homme à la connaissance du Bien, ainsi que la difficile transmission de cette connaissance. L’allégorie, en fait une expérience de pensée, met en scène des hommes enchaînés et immobilisés dans une caverne, tournant le dos à l'entrée et voyant non pas des objets, mais les ombres des objets qui sont projetées contre le mur. Ils croient ainsi voir la vérité, alors qu'ils n'en voient qu’une apparence. Il s’agit d’une opposition entre la demeure souterraine (sans lumière) et le « monde d'en haut », celui où la lumière naturelle brille. Le premier lieu est celui de l'enfermement, de l'ignorance et des apparences, quand le deuxième est celui de la liberté, du savoir et du réel. Les hommes qui sont enchaînés dans l’ombre de cette « caverne » le sont depuis leur naissance, et n’ont jamais vu directement la source de la lumière du jour, le soleil ; ils n'en connaissent que le faible rayonnement, qui parvient à pénétrer jusqu'à eux. Ainsi, des choses et d'eux-mêmes, ils ne connaissent que les ombres projetées sur les murs de leur caverne, par un feu allumé derrière eux. Des sons, ils ne connaissent que les échos. Ces personnes ont l'air différentes de nous, et pourtant, ils nous ressemblent.

Que se passerait-il si l'un d'eux était libéré de ses chaînes, et accompagné de force vers la sortie ? Il serait d’abord cruellement ébloui par une lumière qu'il n'a pas l'habitude de supporter, ce qui le ferait souffrir. Il résisterait et ne parviendrait pas à percevoir ce que l'on veut lui montrer. Alors, ne voudra-t-il pas revenir à sa situation antérieure ? Mais s'il persiste, il s'accoutumera. Il pourra alors voir « le monde supérieur », « les merveilles du monde intelligible ». L'homme peut alors prendre conscience de sa condition antérieure ; il doit se faire violence, et retourner dans la caverne, auprès de ses semblables, pour leur apporter sa connaissance de ce qu'il y a dans le monde supérieur. Mais ceux-ci, incapables d'imaginer ce qui lui est arrivé, le recevront très mal et refuseront de le croire. Ne le tueront-ils pas ?

 

 

2) Kant, le Phénomène et le Noumène

Le Noumène désigne les réalités intelligibles, les vérités éternelles, les choses en soi, les objets transcendantaux, tels que l'idée du Beau. Il se trouve, selon Emmanuel Kant, opposé au Phénomène, c’est-à-dire ce qui appartient au champ de l'expérience ; les noumènes dépassant, eux, le champ de l'expérience. Par exemple, l'idée de Dieu ou du Monde se trouve généralement hors du sensible, et le noumène incarne donc la limite notre connaissance en tant que sujet. Nous pensons les noumènes, mais nous ne pouvons les connaître.

 

 

3) Le "Rêve du Papillon" de Zhuangzi

Une fable incroyable de Zhuangzi, dans son « Discours sur l'identité des choses ». Le célèbre sage chinois se met un jour à rêver qu'il est un papillon, voletant, heureux, ignorant qu’il est Zhuangzi… À son réveil, contemplant sa face de Zhuangzi, il se demande s’il n'est pas plutôt un papillon qui rêve et qui rêvait qu'il était Zhuangzi. Entre Zhuangzi et un papillon, il doit bien exister une différence : c'est ce qu'il appelle la Transformation des choses.

 

 

4) Le Cerveau dans une Cuve

Il s’agit d’une expérience de pensée imaginée par Hilary Putnam en 1981, s’inscrivant dans le cadre d'une position sceptique. Elle consiste à imaginer que notre cerveau est en fait placé dans une cuve, et reçoit des stimuli envoyés par ordinateur en lieu et place de ceux envoyés par notre corps. La question centrale est alors de savoir si ce cerveau a raison de croire ce qu'il croit. Baignant dans le liquide d’un laboratoire, le cerveau croit alors, grâce à la machine, qu’il est en train de bronzer au soleil…

 

 

5) « Simulacres et Simulation » de Jean Baudrillard

Le philosophe y approfondit sa réflexion sur le concept de simulacre et de simulation dans la société contemporaine occidentale. Citant l’Ecclésiaste, il dit ainsi : « Le simulacre n'est jamais ce qui cache la vérité – c'est la vérité qui cache qu'il n'y en a pas. Le simulacre est vrai. » À l'aide de la métaphore de la carte de Borges, dans lequel les cartographes de l'Empire dressent une carte si détaillée qu'elle finit par recouvrir très exactement le territoire, Baudrillard délimite la problématique du simulacre : c’est la carte qui précède et engendre le territoire, et c'est aujourd'hui le territoire dont les lambeaux pourrissent lentement sur l'étendue de la carte... C'est le réel, et non la carte, dont des vestiges subsistent çà et là, dans les déserts que nous connaissons bien : le désert du réel…

Selon lui, dissimuler est feindre de ne pas avoir ce qu'on a. Simuler est feindre d'avoir ce qu'on n'a pas. L'un renvoie à une présence, l'autre à une absence. Mais simuler n'est pas feindre : qui feint une maladie peut simplement se mettre au lit et faire croire qu'il est malade. Qui simule une maladie en détermine en soi quelques symptômes. Feindre ou dissimuler n’atteint pas au principe de réalité. Mais la simulation remet en cause la différence du vrai et du faux, du réel et de l'imaginaire, et produit une fausse réalité, une réalité alternative. Il se demande même si la justice ne réagirait pas plus violemment à un hold-up simulé qu'à un hold-up réel, car ce dernier ne fait que déranger l'ordre des choses, tandis que l'autre attente au principe même de réalité. La justice pourrait-elle être elle-même simulation ?

 

 

6) Le manga “Ghost in the Shell” de Mamoru Oshii

L'histoire, dans un futur proche, d'un cyborg féminin, la major Motoko Kusanagi, de la section d’élite anticriminelle de la police, la section 9. Histoire de la traque d’un cybercriminel connu sous le nom du « Marionnettiste », qui prend le contrôle de l’esprit (« ghost ») d’un humain par l’intermédiaire du Réseau numérique mondial, l'évolution d’Internet dans cet univers. Alors que l’enquête progresse, la section 9 finit par découvrir que le criminel n’est pas une personne physique, mais une intelligence artificielle immatérielle, ayant acquis pour la première fois au monde une conscience. Le désir du Marionnettiste, qui a réussi à s’incarner dans un corps androïde, est ainsi de se reproduire. Il ne souhaite pas se dupliquer comme un simple virus (toujours identique et donc vulnérable), mais bien donner naissance à une nouvelle forme de vie. C’est pourquoi il sollicite l'aide de Kusanagi pour fusionner leurs ghosts et ainsi créer un être nouveau et unique.

 

 

7) L'animé "Megazone 23"

Yahagi est un adolescent désœuvré et coureur de jupons qui, par hasard, entre en possession d’une étrange moto lourdement armée nommée Garland, et qui est de plus recherchée avec acharnement par la police. C’est en tentant de lui échapper que Yahagi tombe sur Bahamut, un ordinateur qui lui apprend la terrible vérité sur le monde qui l’entoure : l’endroit où il vit n’est qu’une réalité virtuelle, une reproduction de Tokyo stationnant en orbite dans un gigantesque satellite (Megazone), l’humanité ayant disparu d’une Terre dévastée il y a 500 ans. Et le plus important : l’arme responsable de la désertification de la Terre n’a pas disparu, loin de là. Au sein de la cité en orbite, une dictature militaire a été mise en place par le colonel B.D., dans le but de se défendre contre l’arme en question. Yahagi et sa petite amie Yui ont quant à eux trouvé refuge au sein d’un gang de bikers. Avec l’aide de l’intelligence artificielle Eve, ils vont affronter le colonel afin de montrer que l’humanité est apte à recoloniser la terre. Yahagi finit par ramener la vie et Bahamut sur terre, et des centaines d’années plus tard, l’humanité s’est confinée dans la cité d’Eden, contrôlée par une intelligence artificielle : Bishop Won Dai. Eiji, un hacker de génie, se voit alors confier une mission par un groupe mystérieux nommé EX Corp. Mais il va rapidement découvrir Eve, l’intelligence artificielle de Megazone, et une lutte qui le dépasse pour le devenir d’Eden...

 

 

8) Le film “Strange Days” 

Los Angeles est devenue une zone violente et mal fréquentée, notamment après la mort du rappeur afro-américain Jeriko One. Lenny, un ancien policier, s'est reconverti en dealer de clips prohibés utilisant la technologie SQUID, initialement développée pour la police mais aujourd'hui sur le marché clandestin. Celle-ci est capable d'enregistrer les flux du cortex cérébral et de les restituer à l'identique via un casque. Lenny se repasse par exemple des images de son ex-petite-amie, Faith. Un jour, il reçoit un blackjack, une vidéo montrant un crime, ce qu'il refuse toujours de vendre. Via cette vidéo anonyme, il découvre en direct le viol et l'assassinat de son amie Iris…

 

 

9) Le film « Dark City »

John Murdoch se réveille amnésique dans un hôtel, et en cherchant à en savoir plus sur lui-même, il découvre qu'il est suspecté d'être un tueur en série, poursuivi par la police. Dans sa quête pour retrouver la mémoire, il fait ainsi la connaissance du docteur Schreber, qui semble en savoir un rayon sur ce qui se passe... Un autre groupe mystérieux le traque : « les Étrangers », du fait notamment que Murdoch possède la psychokinésie, la capacité de modifier la réalité à volonté, que ce consortium possède également et appelle le « tuning ». Il parvient à utiliser ces pouvoirs pour leur échapper et explore une ville anachronique, où personne ne semble remarquer la nuit perpétuelle. À minuit, il observe tout le monde, sauf lui, s'endormir alors que les Étrangers réorganisent physiquement la ville et modifient l'identité et la mémoire des gens.

Il commence peu à peu à retrouver la mémoire, et comprend qu'il est originaire d’une ville côtière connue de tous, bien que personne ne sache comment s'y rendre…et toutes ses tentatives pour y parvenir sont infructueuses pour diverses raisons. Pendant ce temps, les Étrangers injectent à l'un de leurs hommes des souvenirs destinés à Murdoch, afin de tenter de prédire ses mouvements et de le retrouver. L'inspecteur Bumstead finit par attraper Murdoch, tout en reconnaissant petit à petit l’innocence de ce dernier, et commence à se poser des questions sur la nature de la ville. Ils confrontent Schreber, le véritable meurtrier, qui leur explique que les Etrangers sont des extraterrestres qui utilisent des cadavres comme hôtes. Dotés d'un esprit de ruche, ils font des expériences sur les humains pour analyser leur individualité, dans l'espoir de découvrir des informations qui aideront leur peuple à survivre. Murdoch est en fait une anomalie dans le plan des aliens… Réussira-t-il à retrouver le chemin de la vraie réalité ?

 

 

10) Le film « The Truman Show »

Truman Burbank est agent d'assurances, marié à Meryl, infirmière. Ils vivent paisiblement dans la cité paradisiaque de Seahaven, remplie de gens sympathiques, de maisons identiques et de jardins bien entretenus. Truman a néanmoins envie de voyager à l'étranger, de découvrir de nouvelles choses et, surtout, de retrouver une femme, Sylvia, dont le regard l'a envoûté dans sa jeunesse. Cependant, tout semble contraindre Truman à rester dans la ville. Sans le savoir, il est en effet le héros d'une émission de télé-réalité qui le suit depuis sa naissance…

 

 

11) La série « Doctor Who » 

La célèbre série, créée il y a plus d’un demi-siècle, raconte les aventures du Docteur, qui voyage à travers l'espace et le temps à bord d'un vaisseau ayant l'apparence extérieure d'une cabine d'appel téléphonique de la police britannique, le TARDIS. Lorsque le Docteur est mortellement blessé, il peut survivre en se régénérant ; il change alors d'apparence et, dans une certaine mesure, de personnalité, mais tout en conservant le souvenir de ses vies antérieures. Cet alien inconnu, se présentant comme le « Seigneur du Temps », doit aussi combattre d’autres extraterrestres robotiques tout aussi étranges, ainsi que des phénomènes très particuliers…

 

 

12) Le mythe d'Er

Le mythe d'Er, relaté par Platon, présente un jugement des âmes, et c'est un revenant, Er de Pamphylie, fils d'Arménios, qui fait le récit de la rémunération que reçoivent les âmes des bons et des méchants dans un au-delà poétique. Le mythe raconte le voyage dans le lieu divin que fit Er, mort sur un champ de bataille, puis mis sur un bûcher pour y être brûlé. Observateur de ce qu'il advient aux âmes après la vie ou bien encore avant la vie, il est le « messager de l'au-delà », selon la volonté des juges des âmes. Chaque âme (celle d'Er excepté, qui se contente de voir ce qui advient) passe devant un juge. Celui-ci, selon la conduite et les actes de l'âme pendant sa vie mortelle, envoie l'âme dans le ciel ou sous la terre, selon qu'elle a été vertueuse ou non. Deux ouvertures permettent aux âmes de prendre leur chemin. Plus loin, deux autres ouvertures voient les âmes revenir du lieu (ciel ou souterrain) où elles ont été envoyées. De retour à leur point de départ après un trajet semblable à un « long voyage », les âmes revenues prennent toutes le même chemin, d'où qu'elles viennent. Celles qui ont été sous terre ont été suffisamment punies pour réintégrer le même rang que toutes les autres âmes, sans plus de distinction. Après quelques jours de voyage, toutes se trouvent face à la déesse Ananké, de la Nécessité et du Destin. Celle-ci tient un fuseau qui tourne et qui, en tournant, meut le ciel.

 

Les trois filles de la Nécessité, Lachésis, Clotho et Atropos, les Moires (les Parques, qui filent, tissent et coupent le fil de la vie), s'en servent pour fabriquer des « modèles de vie » : chaque âme devra choisir un modèle, qui correspond à la vie qu'elle mènera une fois qu'elle se sera incarnée une nouvelle fois, dans un nouveau corps. L'ordre de passage des différentes âmes est tiré au sort, et chaque âme, une fois son tour venu, choisit un modèle. Ce faisant, elle choisit aussi un être intermédiaire, sorte de génie ou de gardien qui l'aidera à suivre ce qui a été déterminé pour elle.

Le porte-parole de Lachésis jette alors des sorts par terre, et chaque âme en ramasse un sans savoir de quoi il retourne. Une fois qu'elle l'a ramassé, elle sait dans quel ordre elle doit passer pour faire son choix. Il y a beaucoup plus de modèles de vie que d'âmes, de sorte que chacune, quel que soit son ordre de passage, a la possibilité de décider. Le premier à passer choisit immédiatement la vie d'un tyran, mais s'aperçoit que cette vie comprend un grand nombre de maux et maudit le hasard, les génies et tout sauf lui-même, en dépit des paroles d’avertissement prononcées à chaque fois par le porte-parole. Puis chacun choisit à tour de rôle. On voit passer plusieurs âmes célèbres : Orphée choisit de se réincarner en cygne pour ne jamais plus se marier pour engendrer ; à l'inverse, l'âme d'un cygne décide de mener une existence humaine ; Ajax choisit une vie de lion ; Agamemnon fait le choix d'une vie d'aigle ; Thersite d'un singe…

 

Passant en dernier, Ulysse examine précautionneusement les modèles de vie encore disponibles, et finit par découvrir ce qu'il voulait choisir depuis le début, à savoir la vie d'un homme simple, dévoué à son travail. Après cela, les âmes se voient confier le génie correspondant à la vie choisie, qui va les aider à concrétiser le projet qu'elles ont décidé. Leur destin leur est attaché. Elles se mettent ensuite en route vers la plaine de Léthé (« l’Oubli »), pour boire l'eau du fleuve qui s'y trouve. Cette eau leur fait oublier le souvenir de leur vie passée. Une fois toutes les âmes couchées, un « coup de tonnerre » survient et chacune se trouve transportée vers le lieu de sa naissance, c'est-à-dire dans le corps où elle va s'incarner. Er, qui a observé tout cela, n'a cependant pas bu les eaux du Léthé. Se réveillant sur son bûcher funéraire, il se lève et raconte ce qu'il a vu...

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