Deux termes employés par les pies de Jézabel dans le tome 15. Qu’est-ce que ça veut bien dire ?
Le terme arabe « mithal » signifie « exemple ». Mais il a un sens singulier pour la tradition ancienne de la Perse : associé à alam (« monde »), il donne l’expression alam al-mithal (« monde imaginal, monde de l’exemple »). Il s’agit d’une notion conceptuelle attribuée au philosophe français Henry Corbin (auteur de « Corps spirituel et Terre céleste »), face à la défiance que la philosophie occidentale moderne a manifestée par rapport à l'imagination. D’où la latinisation « mundus imaginalis », qui exalte l’image, la créativité en tant que telle, ce qui permet de s’ouvrir à la réalité des archétypes – dont la série Seuls est d’ailleurs remplie.
En effet, pour la psychologie grecque ancienne reprise et retravaillée par la psychosophie islamique, l’imagination créatrice constitue la faculté centrale de l'âme. L’imagination nous donne ainsi accès à une région et réalité de l'être qui, sinon, reste fermée et interdite. Cette puissance de l'âme ouvre l'être et le connaître à un monde suprasensible : ni le monde connu par les sens, ni celui connu par l'intellect, mais un troisième monde, un intermonde entre le sensible et l'intelligible. C'est ce que certains auteurs nomment le « monde de l'âme », et que la théosophie orientale nomme malakūt, le monde imaginal.
Au-delà de l’imaginaire, il s’agit d’une authentique source de connaissance : l'âme « rencontre » cette réalité imaginale par une perception imaginale, par une connaissance imaginale, par une conscience imaginale. Elle immatérialise les formes sensibles (domaine des sens), et elle « imaginalise » les formes intelligibles ou archétypes, leur donnant figure, dimension, rythme et visage. Bref, l'imaginal assure le passage réversible entre le sensible et l'intelligible. Il les réunit et les comprend dans une unité créationnelle. Sans ces formes imaginales, ni les formes intelligibles ni même les formes sensibles ne seraient connaissables.
Ce sont, pour reprendre une expression d'Henry Corbin, des « images métaphysiques ». Accéder à cet intermonde exige de l'être humain une « attitude réceptive spirituelle ». Le recueillement et l'écoute de l'âme. Une discipline pour s'éveiller, ouvrant l'âme à un nouveau monde de formes.
L'Alam al-Mithal apparaît aussi dans la célèbre série « Dune ». Il s’agit d’un univers mystique où toutes les limites physiques disparaissent, et où résident les âmes de certains morts. C’est le monde des « âmes subtiles », qui permet un lien entre le Ciel et ses créations. Révélations et prophéties sont ainsi données à ces intermédiaires. Le temps et l’espace n’y existent pas vraiment. De la même manière que le monde physique est perçu par les cinq sens physiques, l’Alam al-Mithal est perçu par ses « organes reliés », parmi lesquels « l’Imagination Créative » est centrale. L’Alam al-Mithal, c’est le « monde des similitudes », le monde de l’imagination, un monde intermédiaire entre le Ciel et le monde manifesté.
Voilà, ça en dit long sur la série, n’est-ce pas ? ^^
Au passage, cela nous permet de mieux comprendre ce qu’Anton voulait dire quand il pensait que Leïla était une pièce maîtresse dans la guerre : les Prescients peuvent en effet faire gagner ou perdre un camp ou un autre, et donc décider du sort du monde dans les guerres planétaires…