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Les personnages de Seuls
De Le Maître Sain — 18 janvier 2022 à 04h51
Le Horla
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Une analyse de plus pour tenter de comprendre le père d’Yvan…ou Yvan, dans leurs relations avec les êtres invisibles, dont le terrible « fantôme » Aldéric...

 

 

« Le Horla », Récit fantastique et psychologique de Guy de Maupassant, paru en 1887. Y est décrite la déchéance progressive et dramatique du narrateur, poursuivi par une créature invisible, baptisée « le Horla », dont il ne sait si elle est réelle ou le résultat d'un trouble psychiatrique… Torturé, il cherchera à s'en débarrasser par tous les moyens possibles, finissant par s’autodétruire, passant du doute à la démence, la paranoïa, les hallucinations, les crises d'angoisse, la paralysie du sommeil, contre lesquels il essaie de lutter. Le côté « journal intime » favorise l'identification au narrateur et à sa folie. Maupassant lui-même souffrait de « folie », caractérisée par de graves troubles psychiatriques, symptômes neurologiques de la syphilis dont il mourra cinq ans plus tard. Il se disait lui-même victime d’hallucinations et de dédoublement de la personnalité, et avait même tenté de se suicider.

 

L'histoire du Horla commence par l'annonce du décès du « fou », qui rappelle la « Lettre d'un fou » du même auteur (1885), racontant la confession d'un homme qui doute de sa raison et qui expose son état à son docteur. L'homme, suite à une étrange lecture, se tracassait énormément et se questionnait sur la réalité : et si l'humain n'était qu'un être imparfait ? Et si le petit n'était seulement ce que l'œil peut voir, et le géant le reflet de nos limites ? Dans le Horla donc, un médecin-psychiatre invite quelques confrères pour écouter le témoignage d'un de ses patients, qui raconte divers évènements qui lui sont arrivés, et pour lesquels il ne trouve qu'une explication : un être nouveau, qu'il a lui-même baptisé « le Horla », est arrivé et il a les moyens de contrôler l'Homme. Le terme « Horla » viendrait de « hors-la-loi » et du mot normand « horsain » (« l’étranger »), mais aussi de la juxtaposition des mots « hors » et « là », véritable oxymore désignant l’anormalité de cette créature pourtant plus que présente.

 

Puis dans un journal intime, le narrateur, un homme fortuné, rapporte ses angoisses et divers troubles, sentant progressivement, autour de lui, la présence de cet être invisible et surnaturel dont il cherche à se délivrer, et qui, chaque nuit, le terrasse et boit sa vie. Au comble de la déraison, il en viendra même à mettre le feu à sa maison et laissera brûler vif ses domestiques, espérant tuer le Horla. En vain : il ne voit que le suicide comme ultime délivrance. Le Horla est invisible mais pas immatériel, capable donc de toucher, de boire et même de s'interposer entre le narrateur et le reflet de ce dernier dans le miroir, lequel n'est alors plus correctement réfléchi. Il semble doué de parole, et on ne sait s’il s’appelle vraiment le Horla, ou si le narrateur le baptisa ainsi. Selon un article scientifique, il semble que la créature soit d'abord apparue au Brésil, comme un « vampire spectral », avant d'embarquer sur un navire pour la France. Le Horla se nourrit pendant le sommeil de sa proie à la manière d'un succube, et ronge sa santé mentale en provoquant des cauchemars. Serait-il le prédateur ultime de l'Homme, existant entre le tangible et l'invisible ?

 

Par attaques répétées, il prend le contrôle de sa proie par influence, et la dissuade même de fuir. Il sort rarement du domicile, et déteste visiblement qu’on lui échappe. Il transforme l'esprit sans effacer la conscience, et accroît donc le doute sur son existence, car le rêveur se sent conscient, observé et terrifié par sa présence, mais se révèle incapable d'en parler même hors de son influence, allant même jusqu’à n’y voir que des afflictions physiques ou psychologiques tout à fait rationnelles…

 

Impossible donc de le saisir, de le tuer, de l’enfermer, et s'il n'existe pas, alors le narrateur ne fait que chasser une image de lui-même, projection de son esprit psychotique qu’il veut supprimer. Toutefois, la peur de devenir fou disparaît dès lors que le narrateur quitte son manoir et rencontre des relations ; il se sent alors normal. L'existence du monstre est finalement pure hypothèse dans la tête d'un seul personnage… Reniant sa folie, le narrateur lui donne une forme, une raison et une identité pour avoir quelque chose à viser et attaquer, plutôt que capituler et sombrer. Mais alors dans ce cas, quand l'homme s'absente sans raison, pourquoi le Horla se montre-t-il méfiant et veut-il s'assurer qu'il rentrera bien au nid…sachant qu’en même temps, il peut aussi être patient quand il sait qu'il reviendra, et se met donc à attaquer les domestiques ? Si ceux-là n'ont pas seulement cauchemardé, alors le Horla existe bel et bien…

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